Le jargon cycliste : une langue à part...

Hier je me suis dit : Pourquoi ne sortirais-tu pas faire quelques piquets avec le Club ? Ainsi tu pourras voir tout de suite si tu as la frite. Pas question de te faire les grosses cuisses, tu restes dans les roulettes. Evite quand même de faire trop le ratagasse mais ça t’évitera de passer par la fenêtre. Pierrot a décidé de nous faire faire de la montagne. Toi qui a de la difficulté à passer les ponts de chemin de fer, tu vas en baver dans les murs et autres bosses des Corbières. Heureusement que tu ne descends pas comme un fer à repasser et tu pourras toujours recoller au paquet dans les descentes. Tu n’as pas la socquette en titane aujourd’hui, heureusement le groupe roule en facteur, les mains aux cocottes. De toute manière je ferai l’accordéon et si je n’arrive pas à accrocher le bon wagon, je prendrai l’autobus pour rentrer dans les délais. Je redoute de prendre une fringale et d’apercevoir la « Sorcière aux Dents Vertes ». Quand elle est là c’est après le tour de « l’Homme au Marteau » de porter l’estocade : le coup de bambou qui vous oblige à bâcher dès que le pourcentage de la pente augmente. Dès les premiers hectomètres j’assure le tempo, je ne vais pas faire illusion longtemps. Malgré mon braquet d’asthmatique, mon pur sang ressemble à une charrue, je ne vais pas tarder à coincer. Je commence à faire du bec de selle, je sens le coup de grisou. Ca y est Gines me dépasse, lui c’est un client, je me mets en danseuse pour prendre sa roue. La vache ou je suis à la ramasse ou Gines est allé dîner chez Virenque, ce n’est pas possible ! Il n’a jamais été aussi affûté, il caresse les pédales et moi je suis à pied. Je fais l’élastique mais Gines fait le ménage, il me flingue et me largue sans problème : il fume la pipe les mains en haut du guidon. Il a fait le plein de billes de 4 ou de boulons de 18, ce n’est pas possible qu’il tourne à l’eau claire ? Il n’en finit pas ce coup de cul, je vais finir tard dans la nuit. S’il y avait une voiture balai, je mettrais la flèche, là je coince pourtant j’ai mis tout à gauche. Je mords mon guidon et je monte à ma main, je fais la croix mais à l’évidence je pédale avec les oreilles. Je pioche sévère et j’ai pris un sacré éclat. J’aurais du rester au chaud dans le paquet et rouler à la papa. Mais il n’en finit pas ce raidard, vivement la bascule que je me refasse une santé. Je suis scotché au bitume je ne vais pas tarder à rentrer dans le rouge. Personne sur le bas côté pour me faire une poussette, si je pouvais me refaire la cerise avant la descente. Mais ce n’est pas aujourd’hui que je risque de faire rougir le onze dents. Je suis dans la galère, je suis décalqué, dès que je peux j’accroche une locomotive qui fera le train sur la grande soucoupe et il me ramènera, sans sentir les pédales, jusqu’à l’arrivée…

Quel beau langage !